Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/23

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en lumière et en électricité, avant que ces intelligences géniales vinssent proclamer l’origine mécanique et l’unité des forces physiques. Et si nous, enfants du dix-neuvième siècle, avons enfin compris cette idée, si nous avons su l’appliquer, c’est encore parce que nous y étions préparés par l’expérience de tous les jours. Les penseurs du siècle passé l’avaient aussi entrevue et énoncée : mais elle resta incomprise, parce que le dix-huitième siècle n’avait pas grandi, comme nous, à côté de la machine à vapeur.

Que l’on songe seulement aux décades qui se seraient écoulées encore dans l’ignorance de cette loi qui nous a permis de révolutionner l’industrie moderne, si Watt n’avait pas trouvé à Soho des travailleurs habiles pour construire, en métal, ses devis théoriques, en perfectionner toutes les parties et rendre enfin la vapeur, emprisonnée dans un mécanisme complet, plus docile que le cheval, plus maniable que l’eau ; la faire en un mot l’âme de l’industrie moderne.

Chaque machine a la même histoire : longue histoire de nuits blanches et de misère, de désillusions et de joies, d’améliorations partielles trouvées par plusieurs générations d’ouvriers inconnus qui venaient ajouter à l’invention primitive ces petits riens sans lesquels l’idée la plus féconde reste stérile. Plus que cela, chaque invention nouvelle est une synthèse — résultat de mille inventions précédentes dans le champ immense de la mécanique et de l’industrie.


Science et industrie, savoir et application, découverte et réalisation pratique menant à de nouvelles découvertes, travail cérébral et travail manuel, —