Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/230

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font les collectivistes en préconisant les bons de travail.

On comprend que les socialistes anglais du commencement de ce siècle aient inventé les bons de travail. Ils cherchaient simplement à mettre d’accord le Capital et le Travail. Ils répudiaient toute idée de toucher violemment à la propriété des capitalistes.

Si, plus tard, Proudhon reprit cette invention, cela se comprend encore. Dans son système mutuelliste, il cherchait à rendre le Capital moins offensif, malgré le maintien de la propriété individuelle, qu’il détestait du fond du cœur, mais qu’il croyait nécessaire comme garantie à l’individu contre l’État.

Que des économistes plus ou moins bourgeois admettent aussi les bons de travail, cela n’étonne pas davantage. Il leur importe peu que le travailleur soit payé en bons de travail ou en monnaie à l’effigie de la République ou de l’Empire. Ils tiennent à sauver dans la débâcle prochaine la propriété individuelle des maisons habitées, du sol, des usines, en tous cas celle des maisons habitées et du Capital nécessaire à la production manufacturière. Et pour garder cette propriété, les bons de travail feraient très bien leur affaire.

Pourvu que le bon de travail puisse être échangé contre des bijoux et des voitures, le propriétaire de la maison l’acceptera volontiers comme prix du loyer. Et tant que la maison habitée, le champ et l’usine appartiendront à des propriétaires isolés, force sera de les payer d’une façon quelconque pour travailler dans leurs champs ou dans leurs usines, et loger dans leurs maisons. Force également sera de payer le travailleur en or, en papier-monnaie ou en bons échangeables contre toute sorte de marchandises.