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IV


« A chacun selon ses œuvres », disent les collectivistes, ou, en d’autres termes, selon sa part de services rendus à la société. Et ce principe, on le recommande comme devant être mis en pratique dès que la Révolution aura mis en commun les instruments de travail et tout ce qui est nécessaire à la production !

Eh bien, si la Révolution sociale avait le malheur de proclamer ce principe, ce serait enrayer le développement de l’humanité ; ce serait abandonner, sans le résoudre, l’immense problème social que les siècles passés nous ont mis sur les bras.

En effet, dans une société telle que la nôtre, où nous voyons que plus l’homme travaille, moins il est rétribué, ce principe peut paraître de prime-abord comme une aspiration vers la justice. Mais, au fond, il n’est que la consécration des injustices du passé. C’est par ce principe que le salariat a débuté, pour aboutir aux inégalités criantes, à toutes les abominations de la société actuelle, parce que, du jour où l’on commença à évaluer, en monnaie ou en toute autre espèce de salaire, les services rendus — du jour où il fut dit que chacun n’aurait que ce qu’il réussirait à se faire payer pour ses œuvres, toute l’histoire de la société capitaliste (l’État aidant) était écrite d’avance ; elle était renfermée, en germe, dans ce principe.