Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

un service si important, qu’il s’indignerait si on parlait de l’évaluer en monnaie ? Ce service pouvait être un mot, rien qu’un mot dit à temps ; ou bien ce furent des mois et des années de dévouement. — Allez-vous aussi évaluer ces services, « incalculables » « en bons de travail ? »


« Les œuvres de chacun ! » — Mais les sociétés humaines ne vivraient pas deux générations de suite, elles disparaîtraient dans cinquante ans, si chacun ne donnait infiniment plus que ce dont il sera rétribué en monnaie, en « bons », ou en récompenses civiques. Ce serait l’extinction de la race, si la mère n’usait sa vie pour conserver celles de ses enfants, si chaque homme ne donnait quelque chose, sans rien compter, si l’homme ne donnait surtout là où il n’attend aucune récompense.

Et si la société bourgeoise dépérit ; si nous sommes aujourd’hui dans un cul-de-sac dont nous ne pouvons sortir sans porter la torche et la hache sur les institutions du passé, c’est précisément faute d’avoir trop compté. C’est faute de nous être laisse entraîner à ne donner que pour recevoir, c’est pour avoir voulu faire de la société une compagnie commerciale basée sur le doit et avoir.


Les collectivistes, d’ailleurs, le savent. Ils comprennent vaguement qu’une société ne pourrait pas exister si elle poussait à bout le principe : « À chacun selon ses œuvres. » Ils se doutent que les besoins, — nous ne parlons pas des fantaisies, — les besoins de l’individu ne correspondent pas toujours à ses œuvres. Aussi De Paepe nous dit-il :

« Ce principe — éminemment individualiste —