Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/269

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tard, elle possédait déjà plus de 85,000 manufactures, et les marchandises sorties de ces manufactures avaient quadruplé de valeur.

Le vieil outillage a été remplacé entièrement. Presque tout l’acier employé aujourd’hui, les trois quarts du fer, les deux tiers du charbon, toutes les locomotives, tous les wagons, tous les rails, presque tous les bateaux à vapeur, sont faits en Russie.

De pays destiné — au dire des économistes — à rester agricole, la Russie est devenue un pays manufacturier. Elle ne demande presque rien à l’Angleterre, et fort peu à l’Allemagne.


Les économistes rendent les douanes responsables de ces faits, mais les produits manufacturés en Russie se vendent au même prix qu’à Londres. Le capital ne connaissant pas de patrie, les capitalistes allemands et anglais, suivis d’ingénieurs et de contre-maîtres de leurs nations, ont implanté en Russie et en Pologne des manufactures qui rivalisent avec les meilleures manufactures anglaises, par l’excellence des produits. Qu’on abolisse les douanes demain, et les manufactures ne feront qu’y gagner. En ce moment même, les ingénieurs britanniques sont en train de porter le coup de grâce aux importations de draps et de laines de l’Occident : ils montent dans le midi de la Russie d’immenses manufactures de laines, outillées des machines les plus perfectionnées de Brahford, et dans dix ans la Russie n’importera plus que quelques pièces de draps anglais et de laines françaises — comme échantillons.


La grande industrie ne marche pas seulement vers l’Orient : elle s’étend aussi dans les péninsules du