Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/274

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l’industrie française. On fait des soieries en Allemagne, en Autriche, aux États-Unis, en Angleterre. Les paysans du Caucase tissent en hiver des foulards à un prix qui laisserait sans pain les canuts de Lyon. L’Italie envoie des soieries en France, et Lyon, qui en exportait en 1870-74 pour 460 millions, n’en expédie plus que pour 233 millions. Bientôt il n’enverra à l’étranger que les étoffes supérieures, ou quelques nouveautés, — pour servir de modèles aux Allemands, aux Russes, aux Japonais.

Et il en est ainsi pour toutes les industries. La Belgique n’a plus le monopole des draps : on en fait en Allemagne, en Russie, en Autriche, aux États-Unis. La Suisse et le Jura français n’ont plus le monopole de l’horlogerie : on fait des montres partout. L’Écosse ne raffine plus les sucres pour la Russie : on importe du sucre russe en Angleterre ; l’Italie, quoique n’ayant ni fer ni houille, forge elle-même ses cuirassés et fait les machines de ses bateaux à vapeur ; l’industrie chimique n’est plus le monopole de l’Angleterre, on fait de l’acide sulfurique et de la soude partout. Les machines de tout genre, fabriquées aux environs de Zurich, se faisaient remarquer à la dernière exposition universelle ; la Suisses qui n’a ni houille ni fer, — rien que d’excellentes écoles techniques, — fait les machines mieux et à meilleur marché que l’Angleterre ; — voilà ce qui reste de la théorie des échanges.


Ainsi, la tendance, pour l’industrie, — comme pour tout le reste, — est à la décentralisation.

Chaque nation trouve avantage à combiner chez soi l’agriculture avec la plus grande variété possible d’usines et de manufactures. La spécialisation dont