Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/33

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maine, les hauts prix devant être maintenus. Des milliers de tisserands ne peuvent battre les métiers, tandis que leurs femmes et leurs enfants n’ont que des loques pour se couvrir, et que les trois quarts des Européens n’ont pas un vêtement digne de ce nom.

Des centaines de hauts-fourneaux, des milliers de manufactures restent constamment inactifs, d’autres ne travaillent que la moitié du temps ; et dans chaque nation civilisée il y a en permanence une population d’environ deux millions d’individus qui ne demandent que du travail, mais auxquels ce travail est refusé.

Des millions d’hommes seraient heureux de transformer les espaces incultes ou mal cultivés en champs couverts de riches moissons. Un an de travail intelligent leur suffirait pour quintupler le produit de terres qui ne donnent aujourd’hui que 8 hectolitres de blé à l’hectare. Mais ces hardis pionniers doivent chômer parce que ceux qui possèdent la terre, la mine, la manufacture, préfèrent engager leurs capitaux — les capitaux volés à la communauté — en emprunts turcs ou égyptiens, ou en bons de mines d’or de Patagonie, qui feront travailler pour eux les fellahs égyptiens, les Italiens chassés de leur sol natal, les coulies chinois !


C’est la limitation consciente et directe de la production ; mais il y a aussi la limitation indirecte et inconsciente qui consiste à dépenser le travail humain en objets absolument inutiles ou destinés uniquement à satisfaire la sotte vanité des riches.

On ne saurait même évaluer en chiffres jusqu’à quel point la productivité est réduite indirectement,