Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/52

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de précision, pourvu que vous sachiez les manier ; — et on vous laisse travailler tant que cela vous plaira. Voilà les outils, intéressez des amis à votre idée, associez-vous à d’autres camarades de divers métiers si vous ne préférez travailler seul, inventez la machine d’aviation, ou n’inventez rien — c’est votre affaire. Une idée vous entraîne, — cela suffit.

De même, les marins d’un bateau de sauvetage ne demandent pas leurs titres aux matelots d’un navire qui sombre ; ils lancent l’embarcation, risquent leur vie dans les lames furibondes, et périssent quelquefois, pour sauver des hommes qu’ils ne connaissent même pas. Et pourquoi les connaîtraient-ils ? « On a besoin de nos services ; il y a là des êtres humains — cela suffit, leur droit est établi. — Sauvons-les ! »

Voilà la tendance, éminemment communiste, qui se fait jour partout, sous tous les aspects possibles, au sein même de nos sociétés qui prêchent l’individualisme.

Et que demain, une de nos grandes cités, si égoïstes en temps ordinaire, soit visitée par une calamité quelconque — celle d’un siège, par exemple — cette même cité décidera que les premiers besoins à satisfaire sont ceux des enfants et des vieillards ; sans s’informer des services qu’ils ont rendus ou rendront à la société, il faut d’abord les nourrir, prendre soin des combattants, indépendamment de la bravoure ou de l’intelligence dont chacun d’eux aura fait preuve, et, par milliers, femmes et hommes rivaliseront d’abnégation pour soigner les blessés.


La tendance existe. Elle s’accentue dès que les besoins les plus impérieux de chacun sont satisfaits,