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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/113

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Il faut dire aussi que le peuple avait toujours eu en haine les prisons : Bicêtre, le donjon de Vincennes, la Bastille. Pendant les émeutes de 1783, lorsque la noblesse protesta contre les emprisonnements arbitraires, le ministre Breteuil se décida à abolir l’incarcération à Vincennes ; alors ce donjon fameux fut transformé en un magasin à blé, et pour flatter l’opinion publique, Breteuil permit de visiter les terribles oubliettes. On parla beaucoup, dit Droz[1], des horreurs que l’on put voir alors, et, comme de raison, on dut se dire qu’à la Bastille ce devait être encore pire.

En tout cas, il est certain que dès le 13 au soir quelques coups de fusil furent déjà échangés entre des détachements de parisiens armés qui passaient près de la forteresse et ses défenseurs, et que le 14, dès les premières heures de la matinée, les foules, plus ou moins armées, qui avaient circulé dans Paris pendant toute la nuit précédente, commencèrent à se masser dans les rues menant à la Bastille. Déjà, pendant la nuit le bruit avait couru que les troupes du roi s’avançaient du côté de la barrière du Trône, dans le faubourg Saint-Antoine, et les foules se portaient vers l’est et barricadaient les rues au nord-est de l’Hôtel de Ville.

Une heureuse attaque de l’Hôtel des Invalides par le peuple lui permit de s’armer et de se procurer des canons. En effet, dès la veille, des bourgeois, délégués par leurs districts, s’étaient présentés à l’Hôtel des Invalides pour demander des armes, en disant que leurs maisons étaient menacées de pillage par les brigands, et le baron de Besen-

  1. Droz, Histoire du règne de Louis XVI, t. I, p. 417.