Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/115

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l’École militaire et au Champ de Mars. Mais les officiers de ces troupes n’avaient pas confiance en leurs soldats et puis ils devaient hésiter eux-mêmes devant cette multitude innombrable de personnes de tout âge et de tout état, dont plus de 200.000 inondaient les rues depuis deux jours. Les faubourgs, armés de quelques fusils, de piques, de marteaux, de haches ou bien de simples gourdins, étaient en effet descendus dans la rue, et les foules se pressaient sur la place Louis XV (aujourd’hui de la Concorde), aux alentours de l’Hôtel de Ville et de la Bastille et dans les rues intermédiaires. — La bourgeoisie parisienne fut elle-même saisie de terreur en voyant ces masses de gens armés dans la rue.

Apprenant que les abords de la Bastille étaient envahis par les foules, le Comité permanent de l’Hôtel de Ville, dont nous avons parlé plus haut, envoya, dès le matin du 14, des parlementaires vers le gouverneur de la forteresse, de Launey, pour le prier de retirer les canons braquées sur les rues, et de ne commettre aucune hostilité contre le peuple ; en retour, le Comité, usurpant des pouvoirs qu’il n’avait pas, promettait que le peuple « ne se porterait contre la place à aucune entreprise fâcheuse ». Les délégués furent très bien reçus par le gouverneur et s’attardèrent même jusque près de midi à déjeuner chez lui. De Launey cherchait probablement à gagner du temps, en attendant des ordres précis de Versailles qui ne lui arrivaient pas, puisqu’ils avaient été interceptés dans la matinée par le peuple. Comme tous les autres chefs militaires, de Launey entrevoyait qu’il lui serait difficile de résister au peuple de Paris, descendu en masse dans les rues, et il temporisait.