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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/136

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seigneur et en força une grande partie à émigrer vers les villes, où les prolétaires furent mis en coupe réglée par les bourgeois industriels. La bourgeoisie anglaise aida aussi la noblesse à faire de ses immenses domaines fonciers, non seulement une source de revenus, souvent fabuleux, mais aussi un moyen de domination politique et juridique locale, en rétablissant sous de nouvelles formes le droit de justice des seigneurs. Elle l’aida enfin à décupler ses revenus, en lui laissant (par l’effet d’une législation encombrante sur les ventes des terres) le monopole de la terre, dont le besoin se faisait sentir de plus en plus au sein d’une population dont l’industrie et le commerce allaient toujours en croissant.

On sait aujourd’hui que la bourgeoisie française, surtout la haute bourgeoisie industrielle et commerciale, voulait imiter la bourgeoisie anglaise dans sa révolution. Elle aussi aurait volontiers pactisé avec la royauté et la noblesse, afin d’arriver au pouvoir. Mais elle n’y réussit pas, parce que la base de la Révolution française était heureusement bien plus large qu’en Angleterre. En France, le mouvement ne fut pas seulement un soulèvement pour conquérir la liberté religieuse, ou bien la liberté commerciale et industrielle pour l’individu, ou bien encore pour constituer l’autonomie municipale entre les mains de quelques bourgeois. Ce fut surtout un soulèvement des paysans : un mouvement du peuple pour rentrer en possession de la terre et la libérer des obligations féodales qui pesaient sur elle ; et alors même qu’il y avait en cela un puissant élément individualiste — le désir de posséder la terre individuellement — il y avait l’élément communiste : le droit de