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à demi affamé. Troyes avait neuf de ces justices, en plus de « deux mairies royales ». De même la police n’appartenait pas toujours à la ville, mais à ceux qui exerçaient « la justice ». Bref, c’était toujours le système féodal[1].

Mais ce qui excitait surtout la colère des citadins, c’est que toute sorte d’impôts féodaux, la capitation, les vingtièmes, fréquemment la taille et les « dons gratuits » (imposés en 1758 et abolis seulement en 1789), ainsi que les « lods et ventes », — c’est-à-dire, des taxes prélevées par le seigneur en cas de vente ou d’achat par ses vassaux, — pesaient sur les maisons des citadins et surtout sur celles des artisans. Moins gros, peut-être, que dans les campagnes, ils pesaient très lourd à côté de tous les autres impôts urbains.

Enfin, ce qui rendait ces impôts encore plus détestables, c’est que lorsque la ville en faisait la répartition, des centaines de privilégiés réclamaient l’exemption. Le clergé, les nobles, les officiers de l’armée en étaient exempts de droit, ainsi que « les officiers de chez le roi », — écuyers honorifiques et autres qui achetaient ces « charges » sans service, pour flatter leur orgueil et s’affranchir des impôts. L’indication du titre, placée sur la porte, suffisait pour ne rien payer à la ville. On conçoit bien la haine que ces privilégiés inspiraient au peuple.

Tout le régime municipal était ainsi à refaire. Mais qui sait combien il aurait encore duré, si le soin de le réformer avait été abandonné à l’Assemblée Consti-

  1. Voyez Babeau, La ville, p. 323, 331, etc. — Rodolphe Reuss, L’Alsace pendant la Révolution, t. I, donne le cahier du Tiers-État, de Strasbourg, très intéressant sous ce rapport.