Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/149

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Ainsi, à Troyes, ville pour laquelle nous avons aussi des documents assez complets, on voit le mouvement composé des mêmes éléments. Le peuple, aidé par les paysans voisins, se soulève dès le 18 juillet, — dès qu’on y apprend que les octrois ont été brûlés à Paris. Le 20 juillet, des paysans, armés de fourches, de faux et de fléaux, entrent en ville, probablement pour y saisir le blé qui manque et que les accapareurs auront amassé dans leurs magasins. Mais la bourgeoisie se forme en garde nationale et repousse les paysans — ceux qu’elle nomme déjà les « brigands ». Pendant les dix ou quinze jours suivants, profitant de la panique qui se répand (on parle de 500 « brigands », sortis de Paris pour tout ravager), la bourgeoisie organise sa garde nationale, et toutes les petites villes s’arment de même. Mais alors le peuple est mécontent. Le 8 août, probablement à la nouvelle de la nuit du 4 août, le peuple demande des armes pour tous les volontaires et une taxe pour le pain. La municipalité hésite. Alors, le 19 août, celle-ci est déposée et l’ont fait comme à Strasbourg : une nouvelle municipalité est élue.

Le peuple envahit l’hôtel de ville, saisit les armes et se les répartit. Il force le grenier de la gabelle, mais ici encore il ne les pille pas : « il se fait délivrer le sel à six sous ». Enfin, le 9 septembre, l’émeute, qui n’avait pas cessé depuis le 19 août, atteint son point culminant. La foule s’empare du maire Huez, qu’elle accuse d’avoir pris la défense des commerçants accapareurs, et le tue. Elle saccage sa maison, ainsi que celle d’un notaire, de l’ancien commandant Saint-Georges qui, quinze jours auparavant, avait fait tirer sur le peuple, du lieutenant