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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/18

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LA GRANDE RÉVOLUTION

culte de la loi, du Parlement, du juge et de ses agents, que nous constatons aujourd’hui ; cet ensemble hiérarchique de fonctionnaires disciplinés ; ce réseau d’écoles, maintenues ou dirigées par l’État, où l’on enseigne le culte du pouvoir et l’obéissance ; cette industrie dont les rouages broient le travailleur que l’État lui livre à discrétion ; ce commerce qui accumule des richesses inouïes entre les mains des accapareurs du sol, de la mine, des voies de communication et des richesses naturelles, et qui nourrit l’État ; cette science, enfin, qui, tout en affranchissant la pensée, centuple les forces productive de l’humanité, mais veut en même temps les soumettre au droit du plus fort et à l’État, tout cela n’existait pas avant la Révolution.

Cependant, bien avant que la Révolution vînt s’annoncer par ses grondements, la bourgeoisie française, le Tiers-État, avait déjà entrevu l’organisme politique qui allait se développer sur les ruines de la royauté féodale. Il est fort probable que la Révolution anglaise contribua à faire saisir sur le vif le rôle que la bourgeoisie allait être appelé à jouer dans le gouvernement des sociétés. Et il est certain que la révolution en Amérique stimula l’énergie des révolutionnaire en France. Mais déjà depuis le commencement du dix-huitième siècle l’étude de l’État et de la constitution des sociétés policées, fondées sur l’élection de représentants, était devenue, — grâce à Hume, Hobbes, Montesquieu, Rousseau, Voltaire, Mably, d’Argenson, etc. — une étude favorite, à laquelle Turgoy et Adam Smith virent ajouter l’étude des questions économiques et du rôle de la propriété dans la constitution politique de l’État.