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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/214

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L’effroi saisit la Cour. C’est donc tout Paris qui marche contre le château ? La Cour tint conseil, mais toujours sans arriver à aucune décision. Cependant on fit déjà sortir les voitures pour faire partir le roi et sa famille, — lorsqu’elles furent aperçues par un piquet de la garde nationale qui les fit rentrer dans les écuries.

L’arrivée de la garde nationale bourgeoise, les efforts de Lafayette, et surtout, peut-être, une pluie à verse firent que la foule qui encombrait les rues de Versailles, l’Assemblée et les abords du palais, s’écoula peu à peu. Mais vers cinq ou six heures du matin des hommes et des femmes du peuple, sans écouter personne, finirent par trouver une grille ouverte qui leur permit d’entrer au palais. En quelques minutes ils eurent découvert la chambre à coucher de la reine, qui eut à peine le temps de se sauver chez le roi : autrement elle était écharpée. Les gardes du corps risquaient le même sort, lorsque Lafayette accourut, à cheval, juste à temps pour les sauver.

L’envahissement du palais même par le peuple fut un de ces échecs dont la royauté mourante ne se releva plus. Lafayette eut beau faire applaudir le roi lorsqu’il parut sur un balcon. Il put même arracher à la foule des applaudissements pour la reine, en la faisant paraître sur le balcon avec son fils et en baisant respectueusement la main de celle que le peuple appela bientôt « la Médicis »… tout cela n’était qu’un petit effet de théâtre. Le peuple avait compris sa force — et il usa de suite de sa victoire pour forcer le roi à se mettre en route pour Paris. La bourgeoisie eut beau faire toutes sortes de scènes à effet à propos de ce retour — le peuple comprit que désormais le roi serait son prison-