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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/23

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de cette philosophie, son caractère foncièrement moral, alors même qu’elle raillait la morale conventionnelle, sa confiance dans l’intelligence, la force et la grandeur de l’homme libre, lorsqu’il vivra entouré d’égaux, sa haine des institutions despotiques ; — tout cela se retrouve chez les révolutionnaires de l’époque. Où donc auraient-ils puisé la force de conviction et le dévouement dont ils firent preuve dans la lutte ? Il faut reconnaître que, parmi ceux même qui travaillaient le plus à réaliser le programme d’enrichissement de la bourgeoisie, il y en avait qui croyaient avec sincérité que l’enrichissement des particuliers serait le meilleur moyen d’enrichir la nation en général. Les meilleurs économistes, Smith en tête, ne l’avaient-ils pas prêché avec conviction ?

Mais, si élevées que fussent les idées abstraites de liberté, d’égalité, de progrès libre, dont s’inspiraient les hommes sincères de la bourgeoisie de 1789-1793, c’est à leur programme pratique, aux applications de la théorie, que nous devons les juger. Par quels faits l’idée abstraite se traduira-t-elle dans la vie réelle ? C’est cela qui en donnera la vraie mesure.

Eh bien ! s’il est juste de reconnaître que la bourgeoisie de 1789 s’inspirait des idées de liberté, d’égalité (devant la loi) et d’affranchissement politique et religieux, — ces idées, dès qu’elles prenaient corps, se traduisaient précisément par le double programme que nous venons d’esquisser : liberté d’utiliser les richesses de toute nature pour l’enrichissement personnel, ainsi que celle d’exploiter le travail humain, sans aucune garantie pour les victimes de l’exploitation, — et organisation