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gitif et sa famille à Varennes, au moment où ils allaient franchir la frontière et se jeter dans les bras de l’étranger. De cette nuit date la chute de la royauté. De ce moment, le peuple entre en scène pour repousser les politiciens à l’arrière-plan.

On connaît l’aventure. Tout un complot avait été ourdi à Paris pour faire évader le roi et lui permettre de se rendre de l’autre côté de la frontière, où il se mettrait à la tête des émigrés et des armées allemandes. La cour avait conçu ce plan dès septembre 1789, et il paraît que Lafayette en était averti[1].

Que les royalistes aient vu dans cette évasion le moyen de mettre le roi en sûreté et de maîtriser en même temps la Révolution, cela se comprend. Mais nombre de révolutionnaires de la bourgeoisie favorisaient aussi ce plan : les Bourbons une fois hors de France, pensaient-ils, on mettrait Philippe d’Orléans sur le trône et on se ferait octroyer par lui une constitution bourgeoise, sans avoir besoin du concours, toujours dangereux, des révoltes populaires.

Le peuple déjoua ce plan.

Un « inconnu, » Drouet, ex-maître de postes, reconnaît le roi au passage, dans un hameau. Mais la voiture royale part déjà au galop. Alors Drouet et un de ses amis, Guillaume, se lancent dans la nuit, à bride abattue, à la poursuite de la voiture. Les forêts de long de la route sont battues, ils le savent, par les hussards qui étaient

  1. Voyez la lettre du comte d’Estaing à la reine, dont le brouillon, retrouvé plus tard, fut publié dans l’Histoire de la Révolution par Deux Amis de la Liberté, 1792, t. III, pp.  101-104. Voir aussi Louis Blanc, t. III, pp. 175-176.