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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/330

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noblesse imitait les princes, et beaucoup de bourgeois, de petites gens, imitaient la noblesse. On émigrait par ton, par misère ou par peur. Une jeune femme, rencontrée dans une diligence par un agent secret du gouvernement et interrogée par lui, répondait : — « Je suis couturière : ma clientèle est partie pour l’Allemagne ; je me fais « émigrette » afin d’aller les retrouver. »

Toute une cour, avec ses ministres, ses chambellans et ses réceptions officielles, et aussi ses intrigues et ses misères, se créait autour des frères du roi, et les souverains de l’Europe reconnaissaient cette cour, traitaient et complotaient avec elle. Tout le temps on s’y attendait à voir Louis XVI arriver, pour se mettre à la tête des troupes d’émigrés. On l’attendait en juin 1791, lors de sa fuite à Varenne, et plus tard, en novembre 1791, en janvier 1792. enfin, on décida de préparer le grand coup pour juillet 1792, lorsque les armées royalistes de l’Ouest et du Midi, soutenues par les invasions anglaise, allemande, sarde et espagnole, marcheraient sur Paris, soulevant Lyon et d’autres grandes villes au passage, — pendant que les royalistes de Paris frapperaient leur grand coup, disperseraient l’Assemblée et châtieraient les enragés, les jacobins...

« Replacer le roi sur le trône », c’est-à-dire en faire de nouveau un roi absolu ; réintroduire l’ancien régime, tel qu’il avait existé au moment de la convocation des États généraux, c’étaient là leurs vœux. Et lorsque le roi de Prusse, plus intelligent que ces revenants de Versailles, leur demandait : « Ne serait-il pas de la justice comme de la prudence de faire à la nation le sacrifice de certains abus de l’ancien gouvernement ? » — « Sire, lui