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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/343

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voir d’abord jusqu’où l’on pourrait aller au château — et laisser le reste aux accidents des grandes manifestations populaires. S’il en sort quelque chose, tant mieux ; sinon, on aura toujours vu les Tuileries de près et jugé de leur force.

C’est ce qui arriva, en effet. La démonstration fut absolument pacifique. Sous prétexte de présenter une pétition à l’Assemblée, de fêter l’anniversaire du serment du Jeu de Paume et de planter un arbre de la Liberté à la porte de l’Assemblée nationale, une multitude immense de peuple s’était mise en mouvement. Elle remplit bientôt toutes les rues qui mènent de la Bastille à l’Assemblée, pendant que la Cour remplissait la place du Carrousel, la grande cour des Tuileries et les abords du palais de ses partisans. Toutes les portes étaient fermées, les canons étaient braqués sur le peuple ; on avait distribué des cartouches aux soldats, un conflit entre les deux masses semblait inévitable.

Cependant la vue de ces foules, toujours grossissantes, paralysa les défenseurs de la Cour. Les portes extérieures furent bientôt ouvertes ou forcées, le Carrousel et les cours furent inondés de monde. Beaucoup étaient armés de piques, de sabres ou de bâtons, avec un couteau ou une scie plantés au bout ; mais les sections avaient soigneusement trié les hommes qui devaient prendre part à la manifestation.

La foule allait forcer une autre porte des Tuileries à coups de haches, lorsque Louis XVI ordonna lui-même de l’ouvrir. Aussitôt des milliers d’hommes envahirent les cours intérieures du palais. La reine, avec son fils, fut poussée en toute hâte par ses familiers dans une