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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/358

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encore assez vaguement, qu’après la prise des Tuileries, lorsqu’on saisit, dans une armoire secrète faite pour le roi par le serrurier Gamain, les papiers du roi. Mais on ne cache pas facilement une trahison, et par mille indices, que les hommes et les femmes du peuple savent si bien saisir, on comprenait que la Cour avait fait un pacte avec les Allemands, qu’elle les avait appelés en France.

L’idée se fit donc dans quelques provinces et dans Paris qu’il fallait frapper le grand coup contre les Tuileries : que l’ancien régime resterait toujours une menace pour la France, tant que la déchéance du roi ne serait pas prononcée.

Mais pour cela, il fallait faire — comme on avait fait aux approches du 14 juillet 1789 — un appel au peuple de Paris, aux « hommes à piques ». Or, c’est précisément ce que la bourgeoisie ne voulait pas, ce qu’elle craignait le plus. On trouve, en effet, dans les écrits de cette époque, une sorte de terreur des hommes à piques. Allait-on les revoir de nouveau, ces hommes si terribles pour les riches !

Si cette peur du peuple n’eût été partagée que par les rentiers ! Mais les hommes politiques avaient les mêmes frayeurs, et Robespierre, jusqu’en juin 1792, s’opposa aussi à l’appel au peuple. « Le renversement de la Constitution en ce moment, disait-il, ne peut qu’allumer la guerre civile, qui conduira à l’anarchie et au despotisme. » Si le roi est renversé, il ne croit pas à la possibilité d’une république. « Quoi ! s’écrie-t-il, c’est au milieu de tant de divisions fatales, que l’on veut nous laisser tout à coup sans Constitution, sans lois ! »