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à l’aisance universelle », l’aisance pour tous, — ce dont les socialistes ont fait plus tard « le droit au travail ». Cela fut dit déjà en 1789 (27 août), et on l’avait mis dans la constitution de 1791. Mais même les plus avancés des Girondins étaient trop empêtrés dans leur éducation bourgeoise pour comprendre le droit de tous à la terre et une réorganisation complète, affranchie de l’agiotage, de la distribution des produits nécessaires à l’existence. En général, les Girondins étaient décrits par leurs contemporains comme « un parti de gens fins, subtils, intrigants et surtout ambitieux » ; légers, parleurs, batailleurs, mais dominés par les habitudes du barreau (Michelet). « Ils veulent la République », disait Couthon, « mais ils veulent l’aristocratie. » Ils montraient beaucoup de sensibilité, mais une sensibilité, disait Robespierre, « qui gémit presque exclusivement pour les ennemis de la liberté. »

Le peuple leur répugnait ; ils en avaient peur[1].


Au moment où se réunissait la Convention, on ne se rendait pas encore bien compte de l’abîme qui séparait

  1. Il faut lire les mémoires de Buzot, pour comprendre la haine et le mépris des Girondins pour le peuple. Continuellement, on y rencontre des phrases de ce genre : « Paris, c’est les égorgeurs de Septembre » ; on y est « englouti dans la fange de cette ville corrompue » ; « il fallait avoir le vice du peuple de Paris pour lui plaire, » etc. Voy. Buzot, Mémoires sur la Révolution française, précédés d’un précis de sa vie… par M. Guadet. Paris, 1828, pp. 32, 45, 141. Voir aussi la lettre de Pétion à Buzot, du 6 février 1792, publiée par les Révolutions de Paris, t. XI, p. 263, et dont Aulard donne des extraits.