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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/515

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favori, la Gironde redoublait d’acharnement contre les Montagnards. Accusée de connivence avec le traître, elle ne sut y répondre qu’en demandant la mise en accusation de Marat, pour l’adresse que les Jacobins avaient lancée le 3 avril, à la nouvelle de la trahison de Dumouriez, et qu’il avait signée comme président.

Profitant de ce qu’un grand nombre de membres de la Convention étaient à ce moment en mission auprès des armées et dans les départements, et que la plupart étaient des Montagnards, les Girondins demandèrent à la Convention de décréter Marat d’accusation, ce qui fut fait (12 avril), puis de l’envoyer devant le tribunal révolutionnaire, pour avoir prêché le meurtre et le pillage. Le décret d’accusation fut rendu le 13 avril, par 220 voix contre 92, sur 367 votants, avec 7 voix pour l’ajournement et 48 abstentions.

Cependant, le coup fut manqué. Le peuple des faubourgs aimait trop Marat pour le laisser condamner. Les pauvres sentaient que Marat était peuple et jamais ne le trahirait. Et plus on étudie aujourd’hui la Révolution, plus on connaît ce que Marat a fait et ce qu’il a dit, plus on découvre combien est imméritée la réputation de sinistre exterminateur que lui ont faite les historiens, admirateurs des bourgeois girondins. Presque toujours, dès les premières semaines de la convocation des États généraux, et surtout aux moments de crise, Marat avait vu mieux et plus juste que les autres, y compris même les deux autres grands dirigeants de l’opinion publique révolutionnaire, — Danton et Robespierre.

Du jour où Marat se lança dans la Révolution, il se donna à elle entièrement, et il vécut dans la pauvreté,