Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/59

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depuis les mouvements provoqués par les parlements pendant l’été et l’automne de 1788, et la vague monte jusqu’au grand soulèvement des villages en juillet et août 1789.

Nous avons déjà dit que la situation des paysans et du peuple dans les villes était telle qu’il suffisait d’une seule mauvaise récolte pour amener une hausse épouvantable des prix du pain dans les villes et la famine dans les villages. Les paysans n’étaient plus des serfs, le servage ayant été aboli en France depuis longtemps, du moins dans les propriétés privées. Depuis que Louis XVI l’avait aboli dans les domaines royaux (en 1779), il ne restait plus, en 1788, que 80.000 mainmortables dans le Jura et tout au plus 1.500.000 dans toute la France — peut-être moins d’un million ; et même ces mainmortables n’étaient pas des serfs dans le sens strict du mot. Quant à la grande masse des paysans français, ils avaient depuis longtemps cessé d’être serfs. Mais ils continuaient à payer, en argent et en travail, — en corvées entre autres, — pour leur liberté personnelle. Ces redevances étaient extrêmement lourdes et variées, mais elles n’étaient pas arbitraires : elles étaient censées représenter des paiements pour le droit de possession de la terre, — soit collectif dans la commune, soit privé, soit enfin en fermage ; et chaque terre avait ses redevances, aussi variées que nombreuses, consignées avec soin dans les terriers.

En outre, le droit de justice seigneuriale avait été maintenu. Sur une quantité de terres, le seigneur restait juge, ou bien c’était lui qui nommait les juges ; et en vertu de cette prérogative ancienne, il prélevait toutes