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Varenne, dans un opuscule, publié en 1793, parla ouvertement contre la grande propriété[1]. Il se révoltait contre cette idée de Voltaire que l’ouvrier doit être aiguillonné par la faim, pour qu’il travaille, et il demandait (p. 103) de déclarer que nul citoyen ne pourrait posséder désormais plus d’une quantité fixe d’arpents de terre, et que personne ne pourrait hériter de plus de 20.000 à 25.000 livres. Il comprenait que la cause première des maux sociaux résidait dans ce fait, qu’il y avait des hommes qui se trouvaient « sous la dépendance directe et non réciproque d’un autre particulier. Car dès là commence le premier chaînon de l’esclavage ». Il se moquait des petites propriétés morcelées que l’on voulait donner aux pauvres, « dont l’existence ne sera jamais que précaire et misérable, dès qu’elle prête à l’arbitraire. » Un cri s’est fait entendre, disait-il plus loin (p. 129) : « Guerre aux châteaux, paix aux chaumières ! Ajoutons-y la consécration de cette règle fondamentale : Point de citoyen dispensé de se pourvoir d’une profession ; point de citoyen dans l’impossibilité de se procurer un métier. »

L’idée de Billaud-Varenne sur l’héritage fut reprise, on le sait, par l’Association internationale des travail-

  1. En parlant de propriété, il la présentait sous cette forme intéressante : La propriété, disait-il, est le pivot des associations civiles. On sait bien que, dans un grand empire surtout, la balance des fortunes ne peut pas être juste et immobile, et que l’impulsion d’un commerce immense, alimenté par une vaste industrie et par les riches produits de l’agriculture, la maintient forcément dans une oscillation continuelle ; mais il ne faut pas que la balance gravite jamais trop décidément. (Les éléments de républicanisme, Paris, 1793, p. 57. Brochures du British Museum, vol. F. 1097)