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que les convois de blé ne fussent pillés (p. 162). Les militaires en haut lieu ne demandaient qu’à « sévir » contre le peuple ; mais les tribunaux refusaient de condamner et même de juger les affamés révoltés. Les officiers refusaient de tirer sur le peuple. La noblesse s’empressait d’ouvrir ses greniers : on craignait de voir brûler les châteaux (c’était au commencement d’avril 1789). — Partout, dit Chassin (p. 163), des émeutes semblables éclataient, dans le Nord et le Midi, dans l’Ouest et dans l’Est.

Les élections vinrent apporter beaucoup d’animation et réveillèrent beaucoup d’espérances dans les villages. Partout, le seigneur exerçait une grande influence ; mais dès qu’il se trouvait dans le village quelque bourgeois, médecin ou avocat, qui avait lu du Voltaire, ou même la brochure de Sieyès ; dès qu’il y avait quelque tisserand ou maçon qui savait lire et écrire, ne fût-ce qu’en caractères d’impression — tout changeait ; les paysans s’empressaient de coucher leurs doléances sur le papier. Il est vrai que pour la plupart leurs plaintes se bornaient à des choses d’ordre secondaire ; mais presque partout on voit percer (comme dans le soulèvement des paysans allemands de 1525) cette idée que les seigneurs doivent prouver leurs droits aux exactions féodales[1].

Une fois leurs cahiers présentés, les paysans patientaient. Mais aussi les lenteurs des États généraux et de l’Assemblée nationale les mettaient en colère, et dès que ce terrible hiver de 1788-89 fut terminé, dès que

  1. Doniol, La Révolution française et la féodalité.