Aller au contenu

Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/718

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui n’ont jamais failli dans leur foi révolutionnaire, ni dans leur amour de la République démocratique. Sous ce rapport, Robespierre représentait une vraie force, et si les communistes avaient pu lui opposer une force d’intelligence et de volonté égale à la sienne, il est certain qu’ils auraient pu imprimer à la Grande Révolution un cachet bien plus profond de leurs idées.

Cependant ces qualités de Robespierre, que ses ennemis mêmes sont obligés de lui reconnaître, n’auraient pas suffi, à elles seules, pour expliquer l’immense pouvoir qu’il posséda vers la fin de la Révolution. C’est que, armé du fanatisme que lui donnait la pureté de ses intentions au milieu de tant de « profiteurs », il travailla habilement à constituer son pouvoir sur les esprits, quitte à passer pour cela sur le corps de ses adversaires. Et en cela il fut puissamment secondé par la bourgeoisie naissante, dès qu’elle eut reconnu en lui l’homme du juste-milieu révolutionnaire, placé à égale distance des « exaltés » et des « modérés », l’homme qui offrait à la bourgeoisie la meilleure garantie contre les « excès » du peuple.

La bourgeoisie comprit qu’il était l’homme qui, par le respect qu’il inspirait au peuple, par son esprit modéré et ses velléités de pouvoir, serait le plus capable d’aider à la constitution d’un gouvernement, — de mettre une fin à la période révolutionnaire, — et elle le laissa faire, tant qu’elle eut à craindre les partis avancés. Mais lorsque Robespierre l’eut aidée à terrasser ces partis, elle le renversa à son tour, pour réintégrer à la Convention la bourgeoisie girondine et inaugurer l’orgie réactionnaire de thermidor.