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ment acceptée. Il en est de même en géologie. Certes la géologie a accompli des merveilles pour reconstituer les annales des époques de notre planète ; mais la géologie dynamique n'avance qu'avec une lenteur désespérante, et tous les progrès à venir dans la grande question des lois de la distribution des organismes vivants sur la surface de la terre sont arrêtés par l'ignorance où l'on est encore de l'extension des nappes de glace pendant l'époque quaternaire[1].

  1. La marche du progrès dans cette question de la période glaciaire, qui fut si populaire il y a une cinquantaine d'années, fut d'une lenteur remarquable. Venetz dès 1821 et Esmarck dès 1823 avaient déjà expliqué les phénomènes des blocs erratiques par une immense extension des glaciers en Europe. Vers 1840, Agassiz fit paraître ses études sur les glaciers des Alpes, du Jura et de l'Écosse, et cinq ans plus tard, Guyot dressait ses cartes des routes suivies par les blocs erratiques alpins. Mais quarante-deux ans durent s'écouler après la publication des travaux de Venetz, pour qu'un géologue de marque — Lyell — osât adopter timidement sa théorie, et encore avec des restrictions. Le fait le plus intéressant est que les cartes de Guyot, considérées en 1845 comme dénuées de valeur, furent reconnues comme concluantes après 1863. Aujourd'hui même, les vues d'Agassiz, connues depuis plus d'un demi-siècle, ne sont ni réfutées, ni généralement acceptées. Et il en est de même des opinions de Forbes sur la plasticité de la glace. J'ajouterai en passant que toute la polémique sur la viscosité de la glace est un exemple frappant de l'ignorance, chez ceux qui prirent part à cette polémique, des faits, des termes scientifiques (viscosité, plasticité, tassement, etc.), et des méthodes expérimentales, si connus des ingénieurs. Si l'on avait tenu compte de ces faits, de ces termes et de ces méthodes, les polémiques n'auraient pas fait rage pendant des années sans donner aucun résultat. On pourrait citer un grand nombre d'exemples semblables pour montrer combien la science souffre de ce que les savants ne sont pas familiarisés avec des faits et des méthodes d'expérimentation très connues des ingénieurs, des horticulteurs, des éleveurs, etc.