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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/103

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LES TROIS COCUS

Il fut magnifique d’aplomb. Il déclara se nommer Vasilii Groussofski.

Les deux vieilles filles étaient suspendues à ses lèvres.

— Nous sont persécutés à Varsovie, leur narrait-il, et si tant persécutés que ça dépasse les émaginations les plus romanesques… Pour lors, que je me suis dit : « J’en ai Passez comme ça ; je m’en vas faire mon tour de France. » Seulement, pensez, nous ne sont pas riches, nous, pauvres prêtres de Pologne… Je suis venu t’à pied… Alors, comprenez l’explique, quand est-ce que j’ai foulé le sol de la pairie étrangère française, ça m’a remue le cœur… J’étais abruti de fatigue… J’ai bu un coup pour me remettre… Ç’a été z’un tort…

— Ne revenons pas là-dessus, dit Scholastique indulgente… Il est reconnu que les Polonais cèdent facilement à cette variété de la gourmandise… Et, quant à votre cas particulier, cher l’abbé, non seulement vous êtes excusable, mais encore nous rendons grâces à la divine Providence, dont nous voyons la main dans cette aventure ; car, sans ce besoin que vous avez éprouvé, sans surtout ce qui s’en est suivi, nous n’aurions pas aujourd’hui le bonheur de vous posséder.

— N’empêche pas que je vous prie derechef d’accepter mes excuses… La question étant terminée, nous n’en parlerons plus, sufficit !… Pour tant qu’aux persécutions, c’est z’un délire… À Paris, ousque je suis t’arrivé z’hier, j’ai des recommandations pour l’archevêché et pour des curés, de ceux qui sont grosses légumes…

— Vous dites ?

— Je dis : les curés grosses légumes… Pardon, excuse, vous comprenez, moi, pauvre prêtre polonais, je ne parle pas le français avec le truc élégant des gens du grand monde… Grosses légumes, c’est pour dire des curés huppés, des curés qui ont le bras long, quoi !

— Des curés influents.

— Merci, c’est ce que je voulais dire ; seulement, le mot, il ne me venait pas…

Scholastique prit à son tour la parole :

— Monsieur l’abbé, Irlande, qui est ma sœur, et moi, nous nous sommes concertées ce matin à votre sujet, et voici ce que nous avons décidé, sauf votre approbation… Il y a longtemps que nous cherchons un directeur de conscience qui fût chez nous à demeure fixe ; ce que les châtelaines appellent un aumônier… Nous nous étions promis de ne faire bénéficier de cette situation qu’un pauvre ecclésiastique, dans le genre des malheureux prêtres habitués qui