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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/109

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LES TROIS COCUS

que ce coquin de Laripette a une intrigue avec la plumassière…

— Qu’as-tu fait de cette carte ?

— Je l’ai remise à son destinataire.

— Toi ?

— Oui, moi… Cela t’étonne ?…

— Non, cela m’amuse…

— Parce que d’ordinaire, je crie toujours après les jeunes gens qui vont piétiner dans les plantes-bandes conjugales d’autrui ?… Apprends donc qu’il n’est pas de règle sans exception… Ce M. Laripette, je te l’ai dit, a conquis du premier coup mes sympathies… Je le mets en dehors de la règle… Puis, tu sais, si le Paincuit est cornard, c’est bien fait… Il m’agace, cet animal-là, lui et son spiritisme… Nous a-t-il assez embêtés, à sa dernière soirée, avec sa manie de vouloir nous faire tourner sa table qui n’a pas bougé !… Si quelqu’un mérite d’être cocu, c’est lui, nom de Dieu !

Sur cette belle réflexion, Campistron donna le bonsoir à sa femme et s’en fut se coucher.

Vous jugez, cher lecteur, si Pauline fut donc perplexe toute la journée. Elle était fort aise que son mari n’eût pas reconnu son écriture ; mais elle craignait aussi que la manière dont Campistron avait remis le billet doux à Robert induisît celui-ci en erreur et lui fît croire à une déclaration de la part de Mme Paincuit. En effet, elle n’avait jamais écrit au jeune homme ; elle s’en voulait d’avoir agi si précipitamment, d’avoir pris, pour donner son rendez-vous, le premier bout de carton qui lui était tombé sous la main. Elle fut dans des transes mortelles. Impossible d’éloigner le colonel ce jour-là ; c’est pour le coup qu’il aurait compris alors que le mari dont il s’agissait, c’était lui. L’infortunée Pauline ne savait à quel saint se vouer : elle souhaitait que Hubert eût pensé que c’était elle qui l’appelait, et, tout en souhaitant cela, elle craignait, vu la présence de Campistron, de voir son souhait réalisé ; d’autre part, elle ne pouvait songer, sans être prise d’un accès de colère jalouse, à la possibilité d’une visite rendue par Robert à Mme Paincuit.

Tel est l’état d’agitation dans lequel la colonelle passa son après-midi. Le soir, elle était littéralement furieuse de voir que Laripette n’avait pas paru. Laripette, par contre, était loin de se douter des agacements qu’il avait procurés à sa chère Pauline.

Il pensa, ce soir-là, à sa future élève en cosmographie, et il se félicitait de ce que M. Paincuit s’offrait lui-même en holocauste, tout paré pour le sacrifice.

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