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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/156

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LES TROIS COCUS

reviendriez… Vous ne m’aviez pas invitée à votre promenade… Je me suis passée d’invitation… Et voilà… N’est-ce pas que vous avez été bien surpris, quand vous m’avez vue ?

Elle avait débité tout cela d’un seul trait, et Robert l’avait écoutée sans l’interrompre.

— Oui, répondit-il, lorsqu’elle eut fini, j’ai été fort étonné de vous trouver là, et agréablement étonné, vous pouvez le croire… Que je vous remercie de votre bonne inspiration !

Il l’embrassa de plus belle. On longeait alors le Louvre.

— Elle vient de me fabriquer une histoire… Si ce qu’elle m’a dit était vrai, elle aurait vu Gilda tout d’abord, et son récit me l’aurait fait comprendre.

Et puis, il se ressouvenait foui à coup que, si lui, Robert, avait été surpris de trouver Marthe dans son fiacre, la présidente, de son côté, avait poussé une exclamation d’étonnement quand il avait ouvert la portière.

— Robert ! avait-elle dit… Par exemple ! ce fiacre est donc à vous ?

La présidente oubliait qu’elle avait, durant quelques secondes, témoigné le plus parfait ahurissement.

Robert eut l’air d’ajouter foi au conte bleu débité par Marthe. Pourquoi la contredire ? Dans sa pensée, il était à présent certain qu’un laps de temps s’était écoulé entre le départ de Gilda et l’arrivée de la présidente dans la voiture. Les deux femmes ne s’étaient sûrement pas vues. Tout ce qui risquait d’être vrai dans le récit de Marthe, c’était la station du cocher chez le marchand de vin ; c’est pendant cette absence que la substitution, dont l’automédon ne paraissait pas se douter, avait dû s’opérer. Pour avoir inventé une histoire, Marthe devait s’être trouvée dans quelque situation qu’elle ne tenait pas à lui dire et qui l’avait obligée à se réfugier au premier endroit venu ; elle avait mis à profit une voiture qui était là, sans cocher et sans voyageur, sauf à la quitter sitôt passé le danger qui l’y avait conduite ; et lui, Robert, était sans doute arrivé trop tôt.

Tel est le raisonnement que se tint Laripette en son for intérieur. Après tout, que lui importait ? Il s’était embarqué au début pour une petite promenade à Cythére. Eh bien, la promenade ne s’effectuait-elle pas ?

Disons en quatre mots que le raisonnement du perspicace Robert était parfaitement juste.

Ce n’était pas un simple caprice qui avait conduit la galante Marthe dans le fiacre de Laripette. Quelques instants après le départ furtif de Gilda, Mme Mortier passait dans la rue Bonaparte, cheminant sur le trottoir opposé à celui au-