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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/31

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LES TROIS COCUS


CHAPITRE IV

ORIGINES DE L’OURSIN ET DE LA DEMI-LUNE


Pendant que nous y songeons, nous ne ferions sans doute pas mal d’apprendre au lecteur à quelle époque se sont passés les faits dont nous avons jusqu’à présent donné le récit : c’est dans la seconde quinzaine de juin 1881.

Au commencement du mois, un événement qui devait avoir une grave influence sur l’existence de Pauline Campistron, avait eu lieu à Marseille.

Nous avons dit que la brune épouse du colonel était née sur le sol de l’ardente Provence : elle était marseillaise pur sang, marseillaise des allées de Meilhan. Elle appartenait à une famille de négociants qui, de père en fils, faisaient le commerce des blés et minotaient à leur compte depuis des siècles. L’un de ses ancêtres avait été anobli sous l’ancien régime pour avoir, dans une époque de disette, accompli des sacrifices vraiment patriotiques dont le résultat fut d’empêcher les farines de monter à des cours trop élevés.

Le dernier des de Bellonnet n’avait eu qu’une fille, Pauline. Sa femme était morte de bonne heure, et il ne s’était pas remarié. Il aurait bien voulu faire épouser à Pauline un homme de négoce ; mais elle s’était toquée du colonel Campistron qui, en 1874, au moment où la brunette atteignait sa majorité, était à Marseille en activité de service.

Pauline avait énergiquement revendiqué ses droits de majeure et déclaré qu’elle n’aurait pas d’autre mari que le colonel. Bref, le papa de Bellonet avait baissé pavillon devant les exigences de mademoiselle, fille unique et enfant gâtée. Il lui avait constitué une dot de cent mille francs. Du coup, Campistron avait pris sa retraite et emmené sa jeune femme à Paris.

Le papa de Bellonnet, abandonné, n’ayant plus de goût pour son commerce, avait vendu sa minoterie, et, s’établissant rentier, passa sa vie à voyager entre Marseille et Paris, dépensant un mois dans sa chère ville natale et un mois auprès de sa fille adorée.