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Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/201

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DANS LES PROFONDEURS DU SOI.

même manière que maintenant, et sans savoir ce qu’était une abstraction, je passais de l’abstrait au concret et inversement avec une facilité qui m’enchantait. Ma volonté, mesurée par mon acharnement au travail, était aussi tendue que depuis, dans les passes les plus volontaires de mon existence. Quand je faisais une sottise, c’était délibérément, avec une vue fort nette des conséquences fâcheuses qui en résulteraient. Interrogés par moi, plusieurs de mes amis, au caractère solidement trempé, m’ont fait des confidences analogues. J’étais bien petit quand je sautais d’un perron assez élevé, au risque de me casser la jambe, parce que le choix de ce risque me faisait sentir délicieusement et copieusement, au fond de moi, une puissance non déléguée ni héritée, un principe d’acte. La difficulté m’en plaisait, comme ayant un goût de genèse, une saveur de rafraîchissement.

Dans l’écoulement successif des hérédismes de toutes sortes, présences, états d’esprit, aperçus de tempérament, aspirations vagues, tics mentaux, qui s’éparpillent et se dissolvent à mesure que nous avançons dans la vie, cette permanence et pérennité du soi est une con-