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Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/238

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L’HÉRÉDO.

proverbalise, ce fol tourmenté, aussi bien qu’un sage comme Mistral. Il a le dicton rédempteur.

Ronsard est comparable à un beau fleuve, charriant ses hérédismes, quelquefois limoneux, dont le fond transparaît souvent sous les eaux redevenues claires, et tout illuminé de la dorure du jour. Ceux qui ont suivi, au début de l’automne, les rives de la Loire, me comprendront. Ses amours, multiples et impures, se rachètent par une expansion du soi, sensible jusque dans la cadence des vers, où il apparaît que Cassandre, Marie, Hélène ne sont que les ombres changeantes d’une même forme ardemment poursuivie. Ce soi ronsardien est le plus riche, le plus nuancé de la poésie française. Même quand il est recouvert par des habitudes, presque des manies, une nostalgie, un orgueil, une luxure, d’origine visiblement congénitale, même quand il paraît céder aux fantômes intérieurs, on le sent tout près de la révolte subite et de la victoire. Lecture fortifiante entre toutes, comparable à un bain de lumière. Ici se vérifie ce que nous avons avancé sur la faculté improvisatrice, universelle et plastique du soi ;