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Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/63

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LE RÉVEIL DES HÉRÉDISMES

tout délit, la comédie de l’irresponsabilité. Nombreux sont ceux, surtout dans les classes cultivées, qui prennent un orgueilleux plaisir à se poser en victimes du destin, en jouets de passions irrésistibles, auxquelles ils n’ont d’ailleurs jamais sérieusement tenté de résister. La littérature fourmille de telles confessions, à demi sincères quant à leurs auteurs, dont les plus célèbres et les plus virulentes furent celles de Jean-Jacques Rousseau, hérédo de premier plan s’il en fut. On discerne aisément chez cet écrivain, d’un style si séduisant, où court et glisse un filet trouble, pareil à la distillation d’une source de boue, le mouvement vaniteux qu’il éprouve à se laisser aller aux entraînements divers de son moi. À plus d’un tournant de sa douloureuse existence, il eût pu se reprendre en main et ordonner son soi, en domptant en lui les éléments héréditaires. Mais son hypocrisie, au sens grec du mot, son cabotinage personnel, devant le miroir, préférait s’abandonner, puis se plaindre de s’être abandonné : Rousseau, ou le naufrage du soi.

C’est à cette faiblesse, consentie, savourée, exaltée jusqu’à fausser complètement la raison, que tint la vogue extraordinaire de Jean--