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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/113

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LE DÉRÈGLEMENT DES PERSONIMAGES.

dividu à individu, crée ces épidémies du sentiment public, ou d’hypothèses pseudo-scientifiques, que nous voyons, à certaines époques, bouleverser les mœurs et les lois. Une même inclinaison, ou disposition héréditaire, se produit soudain dans les imaginations, et les cristallise sur des plans identiques ou analogues, ainsi que fait un fil d’orientation plongé dans une solution sursaturée. Comment expliquer, autrement que par une contagion des personimages, la vogue, pendant une trentaine d’années, de la fausse doctrine de l’évolution et de ses succédanés ? Ce n’était pas la maigre moisson de faits rigoureusement observés par Darwin et ses élèves qui pouvait motiver un tel emballement. Encore moins la faible qualité esthétique d’une doctrine adaptée à la conception la plus rudimentaire du perfectionnement. Non, il y a eu là, selon moi, une reviviscence et contagion héréditaire des images mentales d’où était sortie, cent ans auparavant, l’Encyclopédie, avec son besoin de légiférer l’univers animé. Sous les courants intellectuels et littéraires, dont le gonflement cause des tempêtes et des naufrages, courent ainsi de grandes réapparitions collectives de figures ancestrales, plus ou moins altérées. Elles entraînent une ou deux générations dans leurs tourbillons, jusqu’à ce que quelques, esprits pénétrants et vigoureux, quelques soi énergiques, réagissent, par une doctrine plus saine, une conception plus réaliste, et viennent exorciser ces fantômes tenaces.