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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/136

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LE MONDE DES IMAGES.

Élève de Renan est vite dit. Sans doute la mémoire héréditaire (bretonne cette fois) a valu à Renan les délices de son style et de sa conversation. Mais Renan se composait un personnage, et se donnait à lui-même la représentation d’un sceptique suspendu entre un rêve multicolore et le néant. Sa bonhomie était simulée. Celle de Lemaître était fort sincère, assez voisine, je pense, de celle du champenois qui, bien plus que Renan, fut son maître : Jean de Lafontaine.

Jules Lemaître me demandait de lui imiter tel ou tel (notamment Zola, qu’il avait en horreur, mais dont la reproduction mimée l’amusait) et nous cherchions ensuite en quoi consiste cette réincarnation d’un accent, d’un style, d’une attitude mentale dans une autre personne. Je le sais aujourd’hui : c’est dans la greffe du souvenir personnel sur des personimages, dans l’assouplissement de l’imitateur par le défilé en lui d’hérédofigures. Celles-ci permettent de modifier la voix, le geste, la conception, à la ressemblance approximative, ou exacte, d’un type donné. Le mimétisme est fonction de l’hérédité.

Si, de l’art, nous passons à la science, on peut conclure que la découverte résulte d’un croisement de la mémoire héréditaire, d’un ensemble de personimages, par la mémoire, ou l’observation directe. C’est au point de croisement qu’est la découverte et il se peut qu’ensuite elle ramifie de là, dans les deux mémoires, amenant, provoquant d’autres découvertes. Lisez, à ce sujet, l’Introduction à la