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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/141

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LE MOT ET CE QU’IL ÉVOQUE.

une phrase comparable à un ensemble de mouvements, et le restituer ainsi à la vie. Le mot est suscité par une sensation, une émotion, un état d’âme, dans une personimage ou un ensemble de personimages, et il s’épanouit en faits et en gestes. C’est une petite machine qui accumule, qui multiplie, qui transmet après multiplication. C’est la plus grande invention de l’être humain.

Au cours d’une étude célèbre sur l’aphasie (qui est la diminution ou la perte du langage articulé, ou d’une partie de ce langage), Charcot a montré que le mot était vu, entendu, parlé et écrit. D’où cécité verbale, surdité verbale, aphasie et agraphie, qui sont quatre formes des troubles du langage. Ceci nous montre que le mot est une synthèse, faisant, lui-même, partie d’une synthèse, de ce que nous appelons une ou plusieurs personimages. Lire, à ce sujet, ce chef-d’œuvre, la Sémantique, de Bréal, sur la signification diverse, superficielle ou profonde, du mot et de la locution adverbiale. Quant au titre fameux et discuté de l’ouvrage de Darmesleter, la Vie des mots, il signifie simplement que les mots sont des détachements, des applications résumées de la vie à travers l’humain, aux vicissitudes duquel ils participent.

Les tout petits enfants commencent par manifester des sentiments, qu’ils traduisent ensuite à l’aide de mots. Ces sentiments eux-mêmes sont souscrit provoqués chez eux par des paroles de leurs parents ou de leurs nourrices, paroles dont ils