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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/160

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LE MONDE DES IMAGES.

pas. C’est une substitution de mémoire personnelle.

Le deuxième stade est de critique et de psychologie pure ; c’est celui d’un Sainte-Beuve, d’un Taine, d’un Renan, d’un Lemaître, d’un Bourget.

Le troisième est critique, psychologique et moral. Maurras l’atteint dans les Amants de Venise et l’Avenir de l’intelligence. Il pose le problème de l’influence rétroactive de la mémoire personnelle sur la mémoire héréditaire. Ce problème sera étudié à part, dans le chapitre du présent ouvrage consacré à l’oubli, interférence de mémoires.

Le grand défaut, en général, de la critique, même impartiale et savante, c’est la timidité. Elle hésite à replacer l’imprimé sur le plan de la vie et l’auteur sur le plan de l’homme, avec ses petitesses et ses grandeurs, ses vertus et ses vices. Elle hésite à confesser ce qui, dans un ouvrage ou dans un auteur, a eu, sur nous critiques, telle ou telle influence. Il en résulte une sorte d’inhibition, qui fait conclure aux gens peu clairvoyants (et, parmi eux aux auteurs critiqués) que critique signifie impuissance. Or, critique, au contraire, signifie puissance : conception nette de la valeur des mots, de l’ampleur et de la profondeur du style, de l’action mentale et corporelle de tel ou tel style, de l’aide apportée ou soustraite, par telle ou telle œuvre, au perfectionnement du lecteur, à son enrichissement psychologique. Il y a des ouvrages qui sont des ponts hardiment lancés entre les époques, et des ondes de