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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/163

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LE MOT ET CE QU’IL ÉVOQUE.

par l’esprit (dans l’avant-mot, ou dans le silence) qu’au mot articulé ou écrit. Il y a une dissimulation et un mensonge de l’écriture, comme de la parole, comme du silence, peuplé d’images verbales, qu’on appelle le langage intérieur. Enfin je répète que la phrase est un ensemble de mots, le récit une succession de phrases, et que tout ce qui s’applique au mot s’applique aussi à la phrase et au récit.

Il résulte de ce qui précède que l’état de fable ou de mensonge est fonction du sens génésique et que les phases du sens génésique retentissent vivement sur lui. La puberté, chez la femme la période des règles, chez l’homme la bouffée sensuelle de la cinquantaine, confirment cette induction par l’observation. L’émotion sexuelle altère la voix avec le langage et détruit toute sincérité quant à ce qui n’est pas l’objet immédiat du désir. La volupté est une grande maîtresse de fables et de combinaisons mentales, illusoires ou mensongères, soit qu’elle s’appuie sur elles, soit qu’elle les suggère.

Les hommes scrupuleux cherchent leurs mots et les combinent de façon à être le plus exactement sincères et véridiques. Le célèbre romancier américain, mais vivant en Angleterre, Henry James, frère du philosophe pragmatiste, était un type de scrupuleux. Il parlait le français et l’anglais avec une égale facilité. Dans l’une et l’autre langue, il poursuivait, avec une phase d’avant-mot très intense, le terme le plus significatif et le plus précis. Il con-