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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/167

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LE MOT ET CE QU’IL ÉVOQUE.

plus fortement qu’elles y recherchent davantage la sincérité et même le cynisme. Il est fort curieux de constater à quel point, dans cette condition, leur effort les éloigne de l’objet de leur effort. Le premier signe de la cessation de l’amour chez la femme, c’est la dissimulation ou le mensonge ; et l’homme ne s’y trompe pas, qui se met en fureur s’il rencontre rue de Rivoli sa femme ou sa maîtresse, partie pour le boulevard Haussmann, et « ayant changé d’idée en route ». J’ajoute que cette fureur n’y modifie rien et qu’il serait sage d’en faire l’économie.

Au lieu que l’amour n’étant pas la fin essentielle, physiologique et organique de l’homme (cette fin est, selon moi, à deux branches : la parole, ou apostolat, et le combat), l’homme ment dans l’amour tant qu’il peut. Il y a encore à cela une raison sexuelle. Sitôt après la possession, l’homme, amoindri en substance, a l’illusion qu’il n’aime plus et ne se rend compte qu’il aime encore que par un raisonnement inductif. Plus son désir a été ardent, plus la chute de ce désir est saisissante. Il doit donc mentir, pour combler les intervalles où se refait son amour avec son désir. J’ai connu des individus sincères, chez qui l’école de l’hypocrisie était venue par ce biais de la possession désenchantante.

L’hypocrisie littéraire est naturellement plus fréquente encore que la verbale, puisque l’art est une attitude, en même temps qu’une élimination sentimentale-sensuelle (voir l’Hérédo). Cette hypocrisie