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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/173

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LE MOT ET CE QU’IL ÉVOQUE.

musique et le chant, tient sans doute à ce qu’ils fournissent une expression à cet inexprimable intérieur. Là où la parole cesse, la musique commence, mélodique ou symphonique, prêtant une voix conjecturale (et non plus définie) aux hantises surajoutées des deux mémoires. Le chant, la mélodie traduisent l’aspiration à résoudre en mots ces nébuleuses de l’âme. La sonate et la symphonie expriment le renoncement à une telle tentative, à extraire l’homme verbal de l’homme sonore, écho de la nature et de ses orages, enregistreur de bruits et de rythmes.

Dépendance du sentiment, mais extrêmement courte en son expression, telle nous apparaît la mimique. Quant à l’écriture, on peut dire d’elle qu’elle est le geste codifié du mot.

J’ai montré, ailleurs, un des plus grands savants français — et le plus méconnu avec Morel de Rouen — Duchenne de Boulogne, se promenant dans les salles d’hôpital, un appareil électrique à la main, et étudiant les rapports des contractions musculaires du visage et des sentiments humains. Il est bien évident que la mémoire héréditaire (et l’on pourrait l’appeler ici la mémoire ethnique) joue un rôle essentiel dans cette association entre certains groupes de muscles du visage, et aussi du corps, et certaines images apparaissant et disparaissant sur l’écran de l’esprit. Ce qui montre la complexité de l’homme, c’est qu’il peut réfréner sa mimique, ou, au contraire, s’y laisser aller. C’est ainsi qu’il peut feindre,