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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/182

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LE MONDE DES IMAGES.

peler le latin à mon aide pour me remonter le coco, comme disait mon père, latiniste consommé. Les anciens ont marqué, dans la pensée et dans la sensibilité humaine, des jalons qu’on ne pourrait changer ; ils ont trouvé des définitions que l’on ne saurait dépasser. Cela est un gain positif et qui ne se démonétisera pas. L’ignorance du latin est, pour tout Français bien doué, même génialement doué, un obstacle, un empêchement à aller plus avant, une prime fâcheuse à un orgueil primaire, qui fausse les perspectives de l’entendement.

Inversement, la fréquentation excessive de la langue allemande et des auteurs allemands a germanisé, de 1871 à 1914, bon nombre de Français. Je l’ai éprouvé par moi-même. À sept ans, je commençais à parler l’allemand. À douze ans, je l’écrivais couramment. À dix-sept ans, je me plongeais avec ardeur dans la philosophie allemande, et mon maître Burdeau, traducteur de Schopenhauer, faisait de moi un kantien déterminé. Si déterminé que je m’amusais à traduire l’univers objectif en univers subjectif et à chercher en moi, pendant des heures, l’écho de l’impératif catégorique. De là, par une pente naturelle, je passais au wagnérisme. C’est la France juive de Drumont qui m’a réveillé, non comme pamphlet, mais comme induction psychologique. J’ai compris, en lisant la France juive, que j’allais au rebours de ma nature et que l’erreur de trop accorder à l’ennemi, en méconnaissant nos propres origines, (ce qui est l’erreur d’un Romain