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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/20

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l’imagination. Une inclinaison heureuse des images fait la vie agréable et intéressante, malgré ses traverses. Une inclinaison malheureuse des images la fait amère et gâchée. Il serait donc plus juste d’appeler l’imagination la maîtresse que la folle du logis. Elle détermine la plupart de nos actions, tantôt en accord avec le soi et la raison (quand il s’agit des hérédismes sages), tantôt, dans le cas contraire, en désaccord avec eux. Dans le premier cas, l’homme garde le contrôle de lui-même — compos sui — dans le second il le perd.

Qu’est-ce que l’image ?

Je réponds : c’est une émanation du moi, d’un des éléments du moi : présence, état d’esprit, aperçu de caractère ou de tempérament, aspiration vague. L’homme imagine sans cesse et sans répit, tantôt au premier degré, c’est-à-dire d’après sa rêverie, ou le spectacle qu’il a sous les yeux, ou l’ébranlement de ses sens ; tantôt au second degré, c’est-à-dire à l’aide du langage, intérieur ou exprimé, qui est lui-même un vaste tissu ou feutrage d’imaginations antérieures, héréditaires et personnelles ; tantôt au troisième degré, c’est-à-dire pendant le sommeil, ou ce sommeil mêlé à la veille, qui constitue le tran-tran de l’existence intellectuelle et morale. À ces trois degrés, l’imagination ne cesse pas d’agir sur l’organisme et de le modifier. Elle est le perpétuel sculpteur et modeleur des agencements moléculaires et cellulaires, qui constituent nos organes. Nous imaginons avec la moelle, le