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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/40

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la salue pas, que les « un tel » la reçoivent ou ne la reçoivent pas. Elle divise l’univers en deux catégories inégales : les excellents, ceux qui la saluent et la reçoivent (peu nombreux, car elle est insupportable et mal élevée) ; ceux qui ne la saluent pas et ne l’invitent pas, placés immédiatement au-dessous — comme disait Banville — de la crotte de chien. Celui-là, malheureux en affaires, parce qu’il rend la vie intenable à ses associés, attribue ses déboires aux jésuites, aux francs-maçons, selon ses opinions politiques, à des complots ténébreux et incessants. Nombreuses sont ainsi les marionnettes enfiévrées, qui s’agitent sur le théâtre de la société, au milieu de circonstances tranquilles, et qui sèment de couteaux, d’explosifs et de fioles de poison une existence unie et plate. Ceux que le jargon médical appelle mythomanes ou « raconteurs d’histoires » appartiennent à cette catégorie, ainsi que ceux qui, attachant une importance exagérée à leur personnage, se scrutent et s’analysent infatigablement. L’homme normal, équilibré, sain d’esprit et de corps, marche paisiblement avec son ombre et ses pénombres, sans trop se soucier des travers, de l’ingratitude ou de l’indifférence d’autrui. Réduire au minimum le contact avec les imbéciles et les frottements avec les pathétiques des deux sexes, voilà un heureux et satisfaisant programme.

Qu’est-ce que le fou-rire, le véritable fou-rire, sensation que tout le monde connaît, et qui fait