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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/54

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distinctes, quelquefois enchevêtrées, analogues à de fumeuses et fragiles apparitions de spectres, mais qui emprunteraient notre chair, et nous souffleraient leurs accents. Ces apparitions congénitales peuvent demeurer dans leur forme totale, puis disparaître ainsi de nôtre théâtre intime ; ou s’effilocher en un peuple d’images premières, à la ressemblance humaine ; d’images secondes, c’est-à-dire de mots ; d’images tierces, c’est-à-dire d’inclinaisons et de penchants ; d’images quartes, c’est-à-dire de pressentiments, d’intersignes, de présages.

D’une façon générale, nos émotions dépendent de personimages complètes et définies ; nos idées de personimages incomplètes, d’intersections, de rencontres, d’interférences de personimages ; ces idées sont d’autant plus abstraites que ces intersections, rencontres, interférences, sont plus nombreuses. La raison sensibilisée nous en avertit. L’émotion nous remplit tout entier. Elle tient le cœur, la peau et l’esprit. Elle fait palpiter le premier, elle hérisse ou baigne de sueur la seconde, elle remplit le troisième d’une foule en rumeur. Chez l’homme elle a, quant au désir, son signe sexuel indubitable. L’idée, au contraire, est comme limitée à un compartiment de nous-mêmes, l’entendement, et, dans ce compartiment, à une zone brillante, mais étroite. Le fait qu’elle commande quelquefois l’émotion, prouve seulement qu’elle est susceptible d’agir, par leurs intersections, ou rencontres, ou interférences, sur les personimages elles--