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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/67

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était prévenue, contre moi par les articles de journaux adverses. Or, à partir du moment où je me fus installé à la barre des témoins, je sentis très distinctement en moi une personimage, froidement lucide, qui prenait ma place et argumentait, portant peu à peu la conviction chez mes auditeurs, détruisant leurs préventions. Pendant ce temps, j’examinais l’assistance et je faisais diverses réflexions, je songeais à la guerre, aux miens, à ma femme, à mes trois petits enfants demeurés en Touraine, au journal et à mes collaborateurs, à des choses indifférentes et futiles. Pendant environ trois heures, le brave ancêtre, sûrement méridional, qui était venu à mon aide de façon si opportune, me remplaça et fit ma besogne ; et, quand il eut fini, je redevins moi-même pour répondre aux questions précises du président et du procureur général. Le lendemain matin, pour la suite de ma déposition, pendant trois heures encore, la même personimage m’assista, utilisant à fond la connaissance qu’elle avait de l’affaire et de mon dossier. Je sortis de là sans aucune impression d’effort, ni de fatigue, ni de tension d’esprit. À la lecture de mon topo sténographié, qui formait soixante-douze pages, en petit texte, d’un volume à 3 fr. 50, je constatai que je n’avais pas fait une seule erreur, ou plutôt que mon cher ascendant n’avait pas fait une seule erreur.

C’est dire que tous les faits d’automatisme, de vertige ambulatoire, de somnambulisme, de dédoublement ou de détriplement de la personnalité, qui