Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/74

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du moi, de mots correspondants à ces hérédismes, le tout baigné d’une satisfaction profonde, accompagné d’une chaleur douce et de fourmillements, de mouvements de déglutition voluptueux et d’excitations sensuelles encore plus directes. D’où la propension à intensifier l’amour à l’aide des piqûres de morphine, de cocaïne, d’ingestion d’alcool, qui se remarque chez de nombreux débauchés. D’une façon générale, ces poisons stimulants altèrent profondément la personnalité, par l’altération progressive des personimages. Ils rompent la gravitation des images, des signes d’images et des signes de signes d’images, ils décoordonnent le rouleau (aux mille rouages complexes et délicats) de la pensée et de la volonté.

Puis, si la manie dure, à la richesse exubérante et incoordonnée succèdent la pauvreté, le ralentissement, la permanence de certaines figures, c’est-à-dire l’hallucination et l’obsession. Le champ éclairé de la conscience est encombré de quelques fantômes grimaçants, décourageants ou terribles, dont il devient impossible de se délivrer, sauf pendant l’afflux, de plus en plus pressé et exigeant, d’une dose nouvelle de toxique. Il est infiniment rare que le mal ne s’accélère pas ainsi diaboliquement, emprisonnant l’esprit et le corps de sa victime dans un rêve de plus en plus limité et redoutable. Le soi, bien entendu, n’est pas détruit, mais il n’a presque plus de prise sur le moi, dont les éléments raréfiés tournent et se heurtent en tous