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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/94

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sourient au seul mot d’introspection active. Ils pensent que l’esprit est une dépendance du corps, le cerveau, le siège exclusif de la pensée, et l’animal humain (comme ils disent stupidement) une machine d’où la liberté est exclue. Une telle conception est au niveau de celle des sauvages de la Terre de Feu. Elle était cependant celle d’un Broca et, plus récemment, d’un Joffroy, d’un Féré, même d’un Brissaud.

Premier degré de l’obsession, la préoccupation est la greffe d’une circonstance ennuyeuse ou inquiétante sur une personimage ralentie. Prenons le cas fréquent du monsieur qui doit une certaine somme d’argent, et à qui sa dette pèse. C’est un sentiment assez confus, qui ne se traduit pas en mots, accompagné du chiffre de la dette, immédiatement présent au réveil, et qui accompagne les actes subséquents, ou les réflexions de la journée, comme l’ombre accompagne le promeneur. Il se complique, ce sentiment, de diverses images à demi obscures, que le préoccupé discerne néanmoins avec un peu d’attention, et qui font partie d’une figure intérieure, composée de regrets, de remords, d’attendrissements, de dessèchements, et aussi d’espérances et d’efforts vers l’évasion mentale. Il s’embrouille, puis se débrouille, ce sentiment, à la façon d’un animal qui court sous un taillis et dont la silhouette apparaît, puis disparaît. On s’en croit délivré ; mais il revient, plus lancinant, ou sous une forme baroque, associé à des suppositions optimistes ou pessimistes.