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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/118

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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

et qui se font gloire de leur puérilisme exalté, baladeur, lyrique, ou recroquevillé et tremblant, et qui affichent le cynique égoïsme des enfants. Flaubert, lui, est demeuré un jeune homme, avec les boutons, les disproportions, les troubles, les cocasseries, les aspirations solitaires et malsaines de la puberté. C’est un potache prolongé que l’ermite de ce sinistre petit pavillon de Croisset, où il passa sa maussade existence, une plume à la main, et rêvassant. Il ne manquait plus à l’imbécile doctrine littéraire du romantisme, puis du Parnasse, que ce grotesque diverticule de la douleur, de la torture, de l’angoisse, nécessaires et indispensables à la conception et création romanesque, poétique et littéraire. La vérité, sur ce point, est rude, mais salutaire. Sujet à des crises d’épilepsie, Flaubert prenait du bromure et vivait ainsi, pendant des semaines entières, dans une demi-somnolence, où il avait du mal à retrouver ses pensées et ses mots. Il est à plaindre, non à imiter ; car l’œuvre d’art doit être un plaisir, une purgation de l’âme et du corps, et (même tragique) conçue dans la joie. Les leçons insanes qu’il infligea au pauvre Maupassant, son disciple, ne déterminèrent point la paralysie générale (d’origine tréponémique) dont mourut celui-ci, mais hâtèrent, chez lui, les prodromes du mal. Flaubert a littéralement abruti Maupassant, sous couleur de le former et de le perfectionner. D’abord, un écrivain se perfectionne lui-même, ou il ne se perfectionne pas du tout. Chaque homme, touché par les Muses, porte en soi les formes et vêtements, rythmiques et