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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/174

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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

peine de nous faire perdre tant de temps à l’analyse des Premiers principes. Il y a quelques semaines, j’ai rouvert cet ouvrage, portique écroulé d’une douzaine d’autres également en ruines, et où les arguments font l’effet de ronces et de chardons roussis par un incendie… cet incendie périodique qui détruit les échafaudages biologico-psychologiques, comme les forêts des Alpes, et les amas de substance pulvérulente. Quel monceau de débris et d’herbes folles ! Tournant les pages après les pages, retrouvant ces affirmations hautaines, ce ton autoritaire qui, jadis, enchantaient ma jeunesse, je m’ébahissais et je souriais de leur fragilité. En vain, sur ces décombres, je cherchais un oiseau (fût-ce le corbeau en « jamais plus » d’Edgar Poe), une métaphore demeurée hardie et vivante. Mais non, tout était mort, de la mort double des faux chefs-d’œuvre, entourés des cadavres de leurs admirateurs, adaptateurs et radoteurs. Pastiche manqué de l’œuvre de Comte (en qui, du moins, demeurent des morceaux d’une rare puissance, malheureusement engangués dans un style limoneux), les principes de Spencer ne valent plus que le poids du papier. Le risible évolutionnisme philosophique a suivi dans la tombe l’évolutionnisme scientifique.

Constatons ici que, de même que notre politique démocratique, pendant cinquante ans, oscilla, après 70, entre l’influence allemande et l’influence anglaise, l’enseignement de la philosophie, en France, oscilla entre Kant, flanqué de Hegel, et Spencer flanqué d’Alexandre Bain. C’est ce qui explique l’allégresse